La conscience, au cours de l'histoire de l'humanité comme durant la vie d'un individu, fait l'expérience de la scission : elle se divise.
Elle pose un idéal : un moi idéal, une société idéale, etc. Elle conçoit ainsi qu'un autre monde est non seulement possible mais souhaitable, qu'une autre vie est désirable, qu'une autre société qui serait meilleure est concevable.
Ce faisant, elle fait alors l'expérience d'une déception : le réel, tel que nous le vivons, n'est pas à la hauteur de nos attentes et de nos espérances.
Certes, on peut se consoler en se disant que cet autre monde n'est pas de ce monde et qu'il n'existe donc pas. Toutefois, ce procès de l'idéal, accusé de manquer de réalité, réduit à n'être qu'imaginaire, ne peut vraiment convaincre car, quelle que soit l'attitude adoptée – refus, regret, etc. –, la scission est irrémédiable.
La conscience, toute conscience, vit désormais dans au moins deux réalités à la fois : celle, prosaïque, de l'expérience quotidienne, du sensible ; et celle d'un idéal, d'un intelligible, auquel elle ne peut pas s'empêcher de penser. Cette scission de la conscience, entre l'effectif et l'idéal, entre l'être et le "devoir-être", produit une déchirure. Hegel l'appelle "conscience malheureuse".
Questions :
1. On oppose souvent le réel à l'idéal (réel dont nous disons volontiers "ce n'est pas idéal, mais…"), suggérant ainsi que l'idéal n'est pas réel.
Montrez qu'une telle opposition est superficielle et qu'on pourrait tout aussi bien soutenir que l'idéal n'est pas irréel, mais qu'il constitue une autre réalité, peut-être même, en un sens, plus réelle.
2. Par exemple, la liberté est, pour les peuples privés de liberté politique effective, un idéal. Pourtant, cet idéal est-il irréel ? N'est-il pas au contraire, pour beaucoup, bien plus réel, puisque souffrant de cette privation, ils acceptent de se battre et de mourir pour gagner ou recouvrer leur liberté ? Cherchez d'autres exemples illustrant la réalité de l'idéal.
3. Nous allons tâcher de distinguer l'idéal du virtuel. En un sens, ne peut-on dire que le développement d'un monde virtuel serait la matérialisation de cette scission, c'est-à-dire de la division de toute conscience qui fait nécessairement l'expérience d'au moins deux réalités ? Dès lors, pourquoi l'idéal n'est-il pas simplement le virtuel ?
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